Le gouvernement a annoncé que la mise en oeuvre de la future écotaxe poids lourds sera reportée au 2e semestre 2012. L’article 153 de la loi de finances pour 2009 a instauré une « taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises ». Initialement prévue pour le 1er janvier 2012, ce report est justifié par des raisons techniques. Malgré les évidences, France Nature Environnement (FNE) et les Verts ont aussitôt réagi en faisant un amalgame avec l’abandon de la taxe carbone et en déplorant l’incapacité française face à la vertueuse Allemagne qui a instauré une taxe autoroutière sur les PL. Le problème, c’est que cette comparaison ne tient pas la route !

1 – En Allemagne, les autoroutes sont gratuites, sauf depuis 2005 pour les camions de plus de 12 t. En France, les autoroutes sont payantes depuis 50 ans pour tous les usagers, y compris les PL.

2 – En 2001, l’Allemagne avait voté une loi afin d’instaurer en 2003 une taxe autoroutière pour les camions de plus de 12 tonnes. Au cours de l’été 2003 pour des raisons techniques, le gouvernement fédéral avait déjà été contraint de reporter de plus d’un an la mise en œuvre de sa taxe autoroutière sur les poids lourds de plus de 12 tonnes. Après avoir corriger les très nombreux dysfonctionnements, la LKW-Maut est entrée en vigueur le 1er janvier 2005, soit avec un report de 16 mois.

Les problèmes techniques auxquels sont confrontés aujourd’hui les pouvoirs publics français ne sont donc pas surprenants. Par rapport à l’expérience allemande, le cadre réglementaire européen est aujourd’hui beaucoup plus contraint par la directive n°2004/52/CE du 29 avril 2004 qui impose des obligations techniques pour l’interopérabilité des systèmes de télépéages. De plus, la France a fait un choix différent de l’Allemagne tant au plan technique (obligation d’un équipement embarqué) qu’au plan légal (statut douanier du contrôle et des sanctions). Autrement dit, au regard du droit fiscal français, un simple GPS ne suffit pas pour percevoir une taxe douanière.

3 – Comme le démontrent les études officielles du ministère du Développement durable, l’impact économique de la future taxe française va principalement affecter les déplacements de marchandises à l’échelle locale ou régionale alors qu’aucune alternative crédible (ferroviaire ou fluviale) existe ou est envisagée. Par exemple, l’augmentation prévisible moyenne du coût du transport routier est la suivante selon les relations :

  • Nancy / Montpellier : +1,12%
  • Roissy / Évry : +3,29%
  • Gennevilliers / Melun : + 5,3%
  • Lille / Arras : +6,47%
  • Orléans / Troyes : +6,99%
  • Cergy / Gennevilliers : +7,1%
  • Dunkerque / Cambrai : +9,2%
  • Guéret / Brive : +9,34%
  • Limoges / Bordeaux : +11,09%
  • Dunkerque / Valenciennes : +11,7%
  • Strasbourg / Mulhouse :+12%
  • Nantes / Rennes : +12,5%

TLF s’est particulièrement mobilisée en faveur du développement des autoroutes ferroviaires (Perpignan-Luxembourg) et des autoroutes de la mer. Mais dans tous les cas, les distances sont supérieures à 600 km. Selon les statistiques officielles, 80% des marchandises sont transportées sur une distance inférieure à 200 km.

4 – Les marges des entreprises de transport routier étant de l’ordre de 1% donc très inférieures à l’impact économique de la taxe, la question de la répercussion est donc vitale. Certes, le législateur a fixé un principe mais ses modalités de mise en œuvre risquent de se heurter aux règles nationales de la concurrence. Là aussi, il s’agit d’une différence importante par rapport à l’Allemagne. Pour TLF, il est donc indispensable de sécuriser au plan juridique le volet de la répercussion. Là aussi, compte tenu des enjeux économiques et sociaux, un peu de temps pour élaborer les bons textes d’application est nécessaire.